vendredi 13 novembre 2009

Actualité médicale Cardiologie

jim,,36303
12/11/09(JIM)Dr Céline Dupin
ASTRAL marquera le recul des indications de l'angioplastie rénale
Le traitement des sténoses athéromateuses des artères rénales (SAAR) repose de longue date sur la revascularisation rénale essentiellement par angioplastie de la (ou des) sténose(s) artérielles avec ou sans pose de stent. Ainsi on estime qu'aux Etats-Unis en 2005, 35 000 procédures de ce type ont été pratiquées. Mais malgré la large diffusion de cette technique, seules des études observationnelles ont jusqu'ici conclu à son efficacité en terme d'amélioration de la fonction rénale ou de contrôle de l'hypertension artérielle (HTA). Les essais randomisés comparant revascularisation et traitement médical quant à eux n'ont pas jusqu'ici démontré un avantage cliniquement significatif en faveur de l'angioplastie (mais il faut souligner qu'ils n'avaient pas la puissance statistique requise pour le faire).
Pour déterminer si la revascularisation per cutanée a ou non une supériorité sur le traitement médical dans les SAAR plusieurs études randomisées de grande ampleur ont donc été entreprises dans le monde. L'essai ASTRAL, conduit au Royaume Uni, en Australie et en Nouvelle Zélande sous l'égide du Medical Research Council, est le premier dont les résultats sont publiés.
806 patients suivis dans 57 centres
ASTRAL (pour Angioplasty and Stenting for Renal Artery Lesions) a inclus, de 2000 à 2007, 806 patients ayant une SAAR prouvée par une technique d'imagerie. N'étaient admis dans l'essai que les malades pour lesquels leur médecin estimait qu'il n'y avait pas d'argument formel pour préférer l'un ou l'autre traitement, ce qui excluait les patients ayant une indication jugée urgente ou indiscutable à la revascularisation ou ceux qui ne paraissaient pas accessibles à une angioplastie. Les patients qui ont été retenus étaient âgés de 70 à 71 ans et avaient une SAAR supérieure à 70 % dans 59 % des cas avec une altération de la fonction rénale (créatinine supérieure à 150 micromol/L) dans 60 % des observations. Ces malades ont été randomisés en ouvert entre un traitement médical (associant généralement statines, anti-agrégants plaquettaires et antihypertenseurs) et la même prise en charge associée à une angioplastie avec ou sans pose de stent.
Le critère principal de jugement était l'évolution de la fonction rénale. Les critères secondaires, la pression artérielle (PA), les événements rénaux ou cardiovasculaires majeurs et la mortalité.
Aucun effet favorable significatif de la revascularisation
Après un suivi médian de 34 mois, aucun avantage significatif sur aucun de ces critères n'a été constaté.
En terme de fonction rénale (évaluée par l'évolution de l'inverse de la créatinine) une différence modeste en faveur de l'angioplastie n'a pas atteint le seuil de significativité statistique (p=0,06). L'évolution de la PA systolique était également comparable (avec une baisse dans les deux groupes) tandis que la PA diastolique était mieux contrôlée dans le groupe traitement médical (différence : 0,61 mm Hg par an ; p=0,03). Quant à la fréquence des événements défavorables rénaux ou cardiovasculaires et des décès, elle a été équivalente dans les deux groupes.
Une analyse par sous groupes (en fonction de la gravité de l'atteinte de la fonction rénale ou de celle des sténoses) n'a pas permis de définir un profil de malade pour lequel l'angioplastie apportait un bénéfice significatif. Ainsi, par exemple, pour les sténoses serrées bilatérales (ou unilatérales avec un seul rein fonctionnel) qui sont habituellement considérées comme de bonnes indications de l'angioplastie, l'évolution a été comparable dans les deux groupes.
De façon relativement surprenante, l'angioplastie n'a donc pas été efficace.
Des complications fréquentes
De plus, 9 % des patients (n=31) ont présenté une complication précoce de la revascularisation (moins de 24 heures), jugée grave pour 19 d'entre elles (un OAP, un infarctus du myocarde, 5 embolisations rénales, 4 occlusions artérielles rénales, 4 perforations artérielles, un anévrysme fémoral et 3 cas d'embolies de cholestérol aboutissant à des amputations au niveau des membres inférieurs). A moyen terme, l'angioplastie n'était pas non plus exempte de complications avec 12 événements considérés comme graves survenus entre un jour et un mois après la procédure (2 décès, 4 hématomes de l'aine, 5 cas d'insuffisance rénale aiguë et une occlusion de l'artère rénale).
Vers une réévaluation des indications
Il faut rappeler que ce travail n'a pas inclus de patients pour qui les praticiens jugeaient la revascularisation indispensable (notamment en raison d'une HTA non contrôlée, d'un OAP flash ou d'une détérioration rapide de la fonction rénale) et qu'il ne permet donc pas de conclure pour ce type de patients.
En dehors de ces cas, il est probable que les indications de la revascularisation rénale vont très sensiblement diminuer dans les semaines qui viennent. Il est également possible qu'ASTRAL conduise à réévaluer les circonstances dans lesquelles le dépistage d'une sténose artérielle rénale est indiqué.
Au-delà de la question de la prise en charge SAAR, ASTRAL pose une nouvelle fois le problème de l'évaluation des méthodes thérapeutiques non médicamenteuses. Qu'elles soient chirurgicales ou interventionnelles, la diffusion des techniques nouvelles n'est pas encore contrôlée de façon aussi rigoureuse que celle des médicaments, ce qui peut conduire, on le voit, à des sur-prescriptions qui peuvent avoir des conséquences négatives médicalement et économiquement.
The ASTRAL Investigators. Revascularisation versus medical therapy for renal-artery stenosis. N Engl J Med 2009; 361: 1953-62.